AUTODROME BULLETIN


 

 

AUTODROME-Bulletin N° 14 –  Novembre / Decembre 2006

 

Le blanc du noir : faux et contrefaçons.

 

"Il y a tant de vagues et de fumée - Qu'on n'arrive  plus à distinguer - Le blanc du noir" (Michel Berger)

 

 

Falsification, contrefaçon, reproduction – toujours prétendue "à l'identique" - imitation, plagiat: l'usurpation est devenue monnaie courante.

Dès qu'une valeur financière peut être attribuée à un objet, même abstrait (des souvenirs, opportunément falsifiés, peuvent se monnayer cher), les faussaires et la manipulation interviennent. Cela ne date pas d'aujourd'hui.

Deux affaires de forgerie[1] remontant au XIXème siècle, sont particulièrement instructives.

En 1861, un certain Vrain-Lucas sollicite le mathématicien Michel Chasles pour lui proposer des documents réputés très anciens. Les feuillets sont jaunis, sales, délavés, presqu'illisibles: ils auraient été sauvés d'un naufrage et endommagés par un séjour en eau de mer. On saura ensuite que Vrain-Lucas les avait rédigés lui-même sur des pages de vieux livres, et qu'il jaunissait, traînait dans la poussière, trempait, maculait et roussissait à la chaleur du feu…

Le mathématicien est un passionné d'écrits anciens - mais pas expert pour autant. Il croit être en présence de pièces exceptionnelles, lettres de personnages illustres du passé. Il achète sur-le-champ une lettre de Molière. Devant l'intérêt de Chasles, le faussaire, qui n'a présenté que quelques échantillons comme appâts, prétend que la collection comprend de très nombreuses pièces et propose de soumettre au savant celles qui seraient les plus susceptibles de l'intéresser.

Vrain forgera en huit ans des milliers de documents qu'il vendra à son crédule client: ils sont signés de Luther, Christophe Colomb, Newton, Galilée, Dante, Charlemagne … et même de Cléopâtre, Aristote et …Lazare ressuscité !

Le fraude est si énorme qu'on se demande au moment du procès comment un savant de premier plan a pu croire, par exemple que tous ces personnages écrivaient en .. ancien français, ou comment Newton a pu, âgé de onze ans à la mort de Pascal, adresser à celui-ci une lettre commençant par "mon jeune ami".

Deux facteurs peuvent l'expliquer: d'une part "le faux prouve le faux", c'est-à-dire que Vrain-Lucas produisait, dès qu'une incohérence était relevée, un document qui l'expliquait logiquement. Galilée écrit-il que sa vue faiblit, alors qu'à la date de la lettre il est déjà aveugle ? Qu'à cela ne tienne, Vrain produit une autre missive, où le même Galilée confie qu'il feint la cécité pour échapper à l'Inquisition… Et si certains auteurs présumés, ayant vécu dans l'Antiquité n'ont pas pu écrire en ancien français, c'est qu'il s'agit de traductions …rédigées par Rabelais lui-même. Un mensonge rétablit l'apparence de vérité.

D'autre part, la passion de Michel Chasles pour les anciens documents l'aveugle : "découvrir" des telles pièces est inespéré, miraculeux… La première impression est si vive, si excitante, qu'il en vient à souhaiter la véracité des documents, et accepte toutes les explications sans exercer sa capacité de jugement.

Enfin, le fait que Vrain avait été "du métier" joua en sa faveur : ancien clerc d'une étude de notaire, il avait le bagage pour affirmer sans preuve, citer des anecdotes, évoquer des héritages de collections et bibliothèques anciennes et autres détails "véridiques".

Vrain fournit ainsi pour 140000 francs de documents - et accessoirement jeta durant quelque temps la confusion chez bien des savants. Le prix payé fut modéré: deux ans de prison. Encore aujourd'hui aurait-il sans doute bénéficié du sursis avec un bon avocat et l'appui de certains média! Le faux est si courant que beaucoup l'acceptent de facto.

Bien évidemment, à sa sortie de prison, Vrain-Lucas récidiva, car une fois franchie la barrière…

 

Caractère chinois signifiant "faux, falsifié, fantoche".

 

Une autre affaire de faux illustre combien les œuvres disparues, perdues, excitent l'imagination, au détriment du jugement. Car le faussaire fait précisément son miel d'une création disparue : le passionné espère, attend, il est inconsciemment prêt à accepter pour vrai ce qu'on lui présentera comme tel.

En 1872, Verlaine égarait un manuscrit de Rimbaud, "La Chasse spirituelle". Ce document ne fut jamais retrouvé, mais devint une cible tentante pour les faussaires. En 1949, le journal Combat annonça que ce manuscrit avait été retrouvé, et il fut publié par le Mercure de France. Le style du texte rappelait bien la manière du poète…Les lettrés et journalistes manquèrent de recul et d'esprit critique, et tombèrent dans le panneau.

Ce fut le poète André Breton qui dénonça le faux. Là où les premiers critiques et "experts" avaient cru que la parenté de plusieurs passages avec d'autres textes de Rimbaud suffisait à démontrer l'authenticité du document, Breton exposa que Rimbaud ne s'était au contraire jamais répété, que sa créativité était précisément étrangère aux redites.

L'éditeur retirera l'ouvrage et les auteurs du mensonge durent avouer.

 

"Les certificats arrivaient même avant la réalisation du tableau"

 

Les amateurs de peinture connaissent aussi le cas de Fernand Legros, qui n'était pas faussaire lui-même, mais écoula habilement des milliers de faux Monnet, Vlaminck, Modigliani, exécutés par un acolyte adroit nommé Marthouret.

Un des ressorts de cette "industrie" est que, de l'aveu d'un des protagonistes durant le procès, héritiers et veuves des peintres ne se faisaient pas prier pour produire des faux certificats d’authenticité: "Les certificats arrivaient même avant la réalisation du tableau", raconta Marthouret "tant tout ce beau monde (veuves, maîtresses, ayants droit sans morale) était pressé".

Dans le monde de l'automobile classique aussi, faussaires et falsificateurs exploitent la faiblesse ou la cupidité d'ayant-droits ou d'experts auto-proclamés, et font leur nid dans les numéros de châssis disparus, aidés par des acolytes complaisants et intéressés. Ils ont leurs ateliers, leurs revendeurs, leurs listes de numéros de châssis – opportunément interprétées ou allongées. Leur activité porte souvent sur des marques fameuses mais parfois aussi marginales : moins leur histoire a été écrite et attestée à l'époque, et plus la fraude est aisée[2].

Difficile de s'en prémunir totalement, mais quelques précautions s'imposent : pour commencer, les voitures réputées détruites dans des accidents, brûlées, mises à la casse, ou disparues sont plutôt à éviter. Nombre d'entre elles semblent réapparaître, opportunément "sauvées", ou retrouvées dans la "grange" traditionnelle, ou sous une (toujours épaisse) couche de poussière dans un hangar.

Chacun a en tête ces mises en scènes trop belles pour être vraies, avec brins de paille sur les sièges, peinture délavée et tôles rouillées mais pas trop, à point pour l'objectif du photographe… Les techniques de vieillissement artificiel sont nombreuses. Le tour de passe-passe ne réussit pourtant pas toujours, si l'amateur est assez vigilant et bien conseillé.

Les modèles les moins chers sont relativement à l'abri, la fabrication d'une réplique étant onéreuse. Mais les autos de prix moyen sont susceptible de fraude … par usurpation d'identité. Ainsi, une voiture ayant remporté des courses mais détruite ou démembrée (ce qui est fréquent en compétition), "ressuscite" parfois miraculeusement complète, intacte, autocollants compris, avec son palmarès élogieux, entre les mains d'intermédiaires actifs, hâbleurs et prodigues en preuves, certificats et témoignages...

 

 

Fabrications soignées mais modernes, de pièces ou de modèles anciens complets (Rétromobile 2006).

 

Il existe des modèles dont la liste des numéros de châssis n'est pas établie avec certitude ; ces autos sont les plus susceptibles d'être reproduites, ou plutôt inventées, par copie, moulage, vieillissement artificiel.

Parfois le processus commence sous couvert d'innocente sauvegarde, en cas de casse en course… Certaines marques recréent elles-mêmes "à l'identique" des modèles disparus tel est le cas des Auto Union de course reproduites par Audi.

Parfois aussi des particuliers font habiller ou modifier un châssis, reconstruire une carrosserie et des parties mécaniques créant l'illusion: on ne compte plus les cas de Ferrari SWB ou California Spider "nées" de malheureuses 250 Pininfarina ou Boano dénaturées, raccourcies, et les 250LM et même P4 (voir plus bas), reconstruites à partit de pièces mineures fragments de châssis, moteur ou même à partir de rien.

L'honnêteté serait évidemment de parler d'emblée de réplique pure et simple et de s'y tenir. Mais le temps passant, la confusion, volontaire ou non, s'introduit malheureusement assez souvent.

Une autre technique est l'usurpation d'identité à grand renfort de battage médiatique. C'est ainsi qu'une Enzo, re-carrossée chez PininFarina, se pare du nom usurpé de Ferrari "P4/5" avec pour seul argument de plagier en partie les formes des légendaires prototypes, et en profitant de la complaisance des revues spécialisées, de plus en plus avides de nouveautés, même fausses[3]. Le dessin est d'un américain nommé Castriota, déjà signalé pour avoir dessiné la néo-Birdcage (Genève 2006), autre cas de nom célèbre "recyclé".

 

 

A gauche, la "néo-Birdcage" (2006)  platement plagiée sur la stupéfiante Modulo de PininFarina (à dr., Genève 1970)

 

Pour faire modifier son Enzo, ce client privé a conclu un contrat avec Pininfarina. Le résultat n'est évidemment pas une nouvelle Ferrari, mais bien une Enzo re-carrossée. Cependant les magazines reprennent aveuglément la désignation falsifiée "Ferrari P4/5", car les noms célèbres assortis de superlatifs ronflants attirent lecteurs et annonceurs.

Le propriétaire de l'auto est par ailleurs connu pour posséder une reconstruction de "P4" revendiquant le numéro de châssis 0846. En réalité la P4 #0846 fut accidentée en course et son châssis confié à PininFarina pour le concept car P5 (Genève 1968). La plupart des prototypes de stylistes italiens de l'époque[4] - sont en effet réalisés sur des châssis existants, souvent de course, et adaptés au nouvel habillage.

 

Vue arrière du châssis du prototype P5 Pininfarina.

 

De fait, aujourd'hui, bien des marques célèbres sont aux mains d'industriels qui, faute d'une capacité à créer qui soit à la hauteur de leur légende, copient eux-mêmes, présentant des modèles d'un style plagié sur l'authentique. Cette situation favorise la promotion de "produits" affublés d'un nom ancien et célèbre, usurpé[5] pour sa valeur marchande. Cette activité est généralement rentable mais à terme, nous l'avons souvent dit, ce qui demeure de plus solide est l'authenticité, l'intégrité et la vérité historique.

On pourra toujours restaurer à neuf, recréer, reconstruire à partir d'un "morceau de la vraie croix" - ou d'une prétendue pièce de châssis sauvée de la casse - toutes les répliques qu'on voudra, seules les authentiques automobiles d'époque, riches de leur identité unique et de leur histoire resteront recherchées de façon permanente et préférées à toute autre.

Soulignons enfin que certaines catégories échappent à la contrefaçon: d'une part les autos de prix modéré (on ne peut pas reproduire une Ferrari BB par exemple pour son prix de vente actuel, ou une Lamborghini Jarama), d'autre part les modèles uniques, prototypes, études de style célèbres, dont l'historique des propriétaires est connu et incontestable.

 

 

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[1] Terme consacré pour les documents falsifiés et les faux en écriture.

[2] En revanche, certains se sont cassé les dents sur des marques anglaises dont par tradition l'histoire est très bien suivie et archivée.

[3] Le magazine Sport-Auto, dans sa course au grand public, a même fait de la fumeuse P4/5 l'équivalent d'un porte-clés publicitaire, offrant des photos de la voiture pour toute souscription d'un abonnement (en plus de vendre des sonneries pour téléphones mobiles).

[4] Carabo, Boomerang, Modulo, Iguana, Manta, etc. La Stratos Zero de Bertone (1970) fut une des rares exceptions.

[5] On a même récemment annoncé une "nouvelle" GTO (sic), pastiche de l'ancien, sur le dernier modèle Ferrari, la 599.

 

Egalement dans ce numéro d'Autodrome Bulletin :

"Le blanc du noir.. Faux et contrefaçons".

Les biplaces de route à moteur central : le virus de la course.

Les "petites" Ferrari et Lamborghini de collection:  se faire plaisir sans attendre.

  

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[1] Elle était propulsée par un moteur de Fiat X1/9 dont la culasse avait été remplacée par une version Dallara à 16 soupapes.

 

 

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