AUTODROME BULLETIN


 

 

AUTODROME-Bulletin N° 14 –  Novembre / Decembre 2006

 

 

Les biplaces de route à moteur central : le virus de la course.

 

Parmi toutes les voitures utilisables sur route, la catégorie la plus excitante et merveilleuse est sans doute celle des biplaces à moteur central de forte cylindrée.

L'origine historique de ces automobiles est la course. On peut situer la naissance du mythe dans les années 30 avec les monstrueuses Auto-Union type A, B et C (6 litres, V16, 500 chevaux, 87 mkg de couple), puis type D à moteur V12. Leur conduite représentait un défi pour les pilotes, mais elles moissonnèrent les victoires sur les circuits.

Elles utilisaient des suspensions indépendantes, des vilebrequins et bielles à rouleaux, un graissage sous pression de la boîte de vitesse, des cardans sous gaine étanche, un carter sec, un réservoir central pour une répartition constante du poids. Sur une Type D en version course de côte, à 160 km/h, on pouvait encore faire patiner les roues à l'accélération. La version Strömlinie (profilée) dépassa quant à elle les 405 km/h sur une simple autoroute de l'époque.

 

 

 

 

A gauche: Auto Union type C. A droite, type D 1938 - au volant, Tazio Nuvolari.

 

De tels modèles témoignent d'une détermination et d'une capacité à dépasser les références existantes. Ils exploraient hardiment des techniques nouvelles, expérimentales, au-delà des limites, et furent construits pour prouver la validité de conceptions sortant du commun, ce qui les rend fascinantes même après plus d'un demi-siècle.

Cette implantation s'imposa en course parce qu'elle permet d'accroître largement les performances: le centrage de la masse du moteur autorise notamment une meilleure motricité, une adhérence équilibrée des deux trains, une plus grande vitesse de passage en courbe, et une inertie polaire réduite, donc une plus grande agilité en virage.

Ensuite, avec entre autres la Porsche 550 Spyder 1953, puis les fines et légères Cooper de Formule 1 - Championnes du Monde en 59 et 60 - la puissance devenait un critère moins décisif, et la disposition centrale du moteur changea véritablement l'Histoire: elle assura leur suprématie et s'imposa alors définitivement comme la plus performante.

Les prototypes Ferrari des années soixante et soixante-dix, les Ford GT40, Lola T70, Chaparral, Porsche 917, et quelques autres feront de la configuration à moteur central, contraignante mais la plus efficace possible, l'essence même de la voiture de compétition.

 

 

La Chaparral 2D victorieuse en 66 au Nürburgring (moteur V8-Chevrolet)

 

Ces bien nommés "prototypes" ou "sport-prototypes", uniquement conçus pour la plus grande performance possible, ont fini par donner naissance à quelques modèles à très fort caractère de compétition mais utilisables sur route. Ces premières GT à moteur central étaient extrêmement proches des meilleurs engins de course, à un point que l'on est loin d'approcher aujourd'hui, procurant des sensations extrêmes, et fascinèrent les passionnés d'automobile.

Schématiquement, on peut répartir les premières biplaces de route à moteur central en deux grandes catégories:

Ce sont de petites firmes qui ont été les premières à proposer des routières à moteur central, sportives et audacieuses. Ce fut d'abord la René-Bonnet Djet dès 1962. Elle précéda l'ATS 2500 GT présentée en 63 et crée par Carlo Chiti et Giotto Bizzarini, la De Tomaso Vallelunga, la Lotus Europe (1966), et la Dino 206 (1967).

Ces toutes premières GT de route à moteur central, conçues comme les meilleurs prototypes de compétition sont  évidemment de plus en plus recherchées par les passionnés et par les collectionneurs.

 

 

 

René Bonnet et la très belle barquette DB profilée à moteur Panhard. Elle  se classera 19ème au Mans 1961.

La René-Bonnet Djet de 1962, première biplace routière à moteur central, en sera dérivée.

 

 

La Lamborghini Miura provoqua en 1966 une révolution avec pour la première fois[1] un V12 en position centrale-arrière et transversale.

Si elle acquit une célébrité immédiate, c'est aussi bien pour ses formes et ses performances - la première brochure de la Miura indiquait une vitesse de 300 km/h…voilà quarante ans ! - , que pour son originalité de conception et sa structure d'avant-garde.

 

La position transversale arrière de son moteur était aussi une innovation issue de la compétition: après Bugatti sur le type 251 de GP équipée d'un 8 cylindre en ligne, Honda l'employait en Formule 1 depuis 1964, et remporta son premier Grand Prix (Mexique, 1965) avec un V12 placé perpendiculairement à la route.

A l'époque, seuls quelques constructeurs osèrent avec Lamborghini proposer des GT à moteur central de forte cylindrée, orientées vers la performance pure: De Tomaso avec la Mangusta en 1966, Ferrari avec la BB[2] - au moteur à plat issu des F1 de la marque –, Maserati avec la Bora.

Ces voitures représentèrent pendant une dizaine d'années l'Age d'Or, "le must-have", l'obsession et le rêve absolu des passionnés. Légères, puissantes, spectaculaires, très basses[3], leur conception structurée autour du pilote et du moteur implanté juste derrière lui révèle leur parenté directe avec la course.

 

 

 

 

De Tomaso Mangusta: une des plus belles GT à moteur central. La ligne est signée Giugiaro.

  

Dans cet apogée du Grand Tourisme des années 60 /début 70, on compte quasiment sur les doigts d'une main ces automobiles mutantes, en avance sur l'époque et dont le dessin rompait avec le passé. Dans le tableau ci-dessous, n'est pas incluse la Monteverdi Hai 450 (1970) car sa production fut très limitée: deux exemplaires seulement.

 

MARQUE

MODELE

ANNEE

MOTEUR

PRODUCTION

De Tomaso

Mangusta[4]

66

V8 de 4,7 l.

401

Lamborghini

Miura

66

V12 de 4 l.

125 Série 1 + 150 Série 2

 

Miura S

68

V12 de 4 l.

340

 

Miura SV

71

V12 de 4 l.

150

Maserati

Bora

71

V8, 4,7 l. / 4,9 l.

530

Ferrari

365 BB

73

12 à plat 4,4 l.

387

Lamborghini

Countach LP400

74

V12 de 4,4 l.

150

 

Postérieurement à cet âge d'or, à partir de la fin des années 70 et jusque dans les années 90, apparut une longue succession de modèles assez divers, qu'on nomma de façon générique "super-cars", typiquement des biplaces à moteur central de forte cylindrée, et de puissance et prix très élevés: Ferrari 288GTO, F40, Lamborghini Diablo, Jaguar XJR15 / XJ220, Bugatti EB110, Vector W8, Cizeta V16T, McLaren F1, Pagani Zonda, Veyron.

La logique sembla alors s'inverser : tandis que dans les années 60-70, les voitures dont nous parlons étaient d'abord des créations de l'esprit de quelques ingénieurs et stylistes ouvrant des voies nouvelles - la viabilité commerciale étant parfois tout-à-fait secondaire, au contraire dans les années 80-90 - notamment après la mort d'Enzo Ferrari en 88 - , de grands constructeurs mirent en oeuvre leurs services marketing et des capitaux importants pour capter ce qu'ils identifièrent comme un marché, et en retirer notoriété et profit.

Cette période, qui dure jusqu'à présent, mêla inextricablement l'engouement passionné des amateurs traditionnels, un regain d'intérêt d'une très riche clientèle pour les autos haut de gamme ultra-sportives, et l'appel du gain possible flairé par les spéculateurs. On ne reviendra pas ici sur les commandes de Ferrari F40 passant de main en main comme un produit financier, ou le regrettable épisode du lancement de la Jaguar  XJ220, au V12 atmosphérique transformé en V6 turbo après enregistrement des commandes.

Le succès de cette catégorie d'automobiles eut d'abord pour effet de multiplier les modèles, phénomène qui s'amplifie et a fini par diluer leur caractère extraordinaire, par les quantités fabriquées et la dispersion des constructeurs. C'est un autre élément qui confère aux toutes premières GT à moteur central leur pouvoir d'attraction irrésistible : une poignée de ces automobiles ont changé l'histoire.

 

 

 

Prototype de course, dream car ou Grand-Tourisme ?La Miura transcende les catégories.

 

 

La première Ford GT40: une silhouette très voisine de la Miura, jusqu'aux découpes des capots.

 

 

On l'a dit plus haut, la passion des amateurs pour ces GT innovantes prend sa source sur les pistes. Il était presque miraculeux d'acquérir et conduire sur route en 1962 une voiture comme la René Bonnet Djet, quasiment identique au modèle ayant cette même année participé aux 1000 km du Nürburgring, et obtenu la 17ème place aux 24H du Mans en catégorie "Voitures Expérimentales"[5].

 

Châssis tubulaire[6], carrosserie en fibre de verre, suspensions indépendantes, profilage signé Marcel Hubert (qui dessina les CD)…quel modèle commercial d'aujourd'hui est aussi proche de la course ? La réponse est simple : aucun.

De même pour la Miura: par sa structure monocoque, ses suspensions, son centre de gravité très bas, son aérodynamisme, et ses performances, - et l'absence de considération pour la notion de confort - elle est très proche de la Ford GT40 qui hypnotisa les foules durant son combat de titans contre les prototypes Ferrari. Ainsi la première Ford GT40 de 1964 revendiquait 350 chevaux et pesait 900 kg[7], tandis que la première Miura était donnée pour 350 chevaux également, et seulement 980 kg[8].  

Or aujourd'hui aucune GT, "super car" ou pas, n'approche même de très loin, le rapport poids puissance (ni l'allure générale ou la conception) d'une voiture capable de remporter les 24 heures du Mans.

Sous cet angle, on doit citer la Lancia Stratos, présentée en 1972 qui était, elle, une "créature" uniquement née pour la compétition (voir l'interview de Gianpaolo Dallara ci-dessus), une des raisons pour lesquelles elle est irrésistible pour les connaisseurs. Elle occupe une place à part dans la légende des GT: son moteur est de cylindrée moyenne (2,4 l.) mais sa conception dictée par la course et son palmarès en font un objet de culte pour de nombreux collectionneurs[9].

Certains amateurs avisés, observant les valeurs atteintes par les "divas" à moteur central les plus célèbres, commencent à se tourner vers d'autres modèles, moins puissants, moins chers, mais dont beaucoup de caractéristiques les apparentent à cette catégorie-reine.

La Lotus Europe Série 1, rare mais abordable, en est un bon exemple. Finement dessinée, originale et très basse, sa structure radicale à moteur central, dans la meilleure inspiration du génial Colin Chapman est ultra légère et économique  - sa fabrication "en papier à cigarette" s'en ressent - tout en étant performante, d'où sa carrière en course. Elle entra dans l'histoire en 66, alors que Jim Clark venait de signifier symboliquement la fin de la technique du moteur avant par sa victoire historique à Indianapolis, et volait vers son deuxième titre de Champion du Monde de F1.

Une des rarissimes premières Lotus Europe: pureté admirable de la ligne et du concept.

 

 Dans cette catégorie de prix accessible, les collectionneurs commencent aussi à s'intéresser aux Jidé, aux Ligier ou à la Marcadier Coupé Barzoï, peu connues du grand public car avant tout destinées à la course, mais homologuées.

Plus récemment ont brièvement existé quelques biplaces à moteur central aux caractéristiques de grand intérêt : ainsi les Venturi - conçues par les créateurs des Rondeau Prototypes - , en particulier l'Atlantique, la De Lorean DMC 12 au châssis dessiné par Lotus, à la carrosserie en acier inox non peint, aux portes en ailes de mouette. On pourrait en citer d'autres, mais cette structure "de course" reste minoritaire et rare, et deviendra pour cela de plus en plus recherchée. 

Parmi les GT modernes à moteur central, certaines offrent luxe, performance, et bien d'autres qualités mais la plupart sont des autos très "industrialisées" afin d'être fabriqués en grand nombre  - par milliers ou dizaines de milliers  - et de ce fait, manquent de la personnalité rare et du caractère passionnel, extravagant et génial des GT anciennes, légères et véloces, - "pleines de défauts" pour le conducteur ordinaire – et qui restent des pur-sang nés de la volonté d'une poignée d'ingénieurs de grand talent et déterminés à "mettre sur la route" la technique de la course...

Leur qualité d'oeuvres d'art mécaniques construites artisanalement en firent des automobiles plutôt réservées aux fanatiques, ce qui limita leur production et leur diffusion.

C'est sans doute en raison même de cette identité radicale et authentique, éloignée des compromis commerciaux ou industriels que les biplaces à moteur central anciennes sont restées si rares et adulées.


 

[1] On pourrait considérer que la toute première GT de route à moteur central de forte puissance fut la Ferrari 250 LM présentée en 63. Certes, c'était d'abord une auto compétition-client, mais immatriculable: une street-version fut présentée en 65 à Genève.

[2] Sous le titre "BB is intoxicating investment" la revue Classic Cars d'Octobre attirait l'attention des lecteurs sur les BB, surtout les rares 365. "Ne vous y trompez pas", ajoute le journal "le prix de cette Ferrari va monter ; elle possède une authentique ascendance compétition, un moteur absolument énivrant (hugely intoxicating) et ce fut la dernière voiture dont Enzo Ferrari en personne dirigea le développement". Nous avions signalé le prix anormalement bas des BB  dans Autodrome-Bulletin #13, première Ferrari de route à moteur central et dont le style admirable défie le temps.

[3] Une Countach mesure à peine 1,07 m (la Gallardo dix centimètres de plus), et une BB 1,12 m contre 1,34 pour la 599 Fiorano.

[4] A laquelle succéda la Pantera, fabriquée sous diverses formes à environ 8.000 exemplaires.

[5] Aux mains de Consten et Rosinski, qui, avec un moteur de 1000 cc dérivé de la série couvrirent à peine 15% de distance de moins qu'un des meilleurs pur-sang de compétition du monde à l'époque, la Ferrari Testa Rossa 3 litres classée 6ème.

[6] Pour la version Aérodjet, – la Djet combinant un bâti léger de tubes et une structure en plastique.

[7] Source : communiqué Ford Of Great Britain du 13/01/66, qui spécifiait aussi que la version routière développait 335 chevaux.

[8] Leurs dimensions mêmes étaient très voisines avec 1,05 m de haut (Miura), pour 1,03 (Ford GT40), une largeur de 1,76 m contre 1,77 m, et un empattement de 2,50 contre 2,41 m.

[9] Certains en possèdent plusieurs - jusqu'à une dizaine! -, versions compétition et route confondues. Très rarement en vente (450 seulement ont été construites), sa conduite à haute vitesse n'est pas facile mais procure des sensations uniques.

 

 

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